18 juin 2012 17:53
L’ensemble des lves de terminale ont planch ce lundi sur l’preuve de philosophie du bac. Deux professeurs nous ont livr quelques pistes de rflexion.
Bien entendu, ces quelques rflexions n’ont rien de small-corrigs, et aucun auteur n’est voqu parce que chaque fois le candidat est invit conduire sa propre rflexion avec l’ensemble des outils dont il dispose et qui l’aident l’approfondir. Il ne s’agit ici que de donner une ide plusieurs problmes que ces questions abstraites voquent leur niveau philosophique.
Terminale L
Que gagne-t-on en travaillant.
Dans la vie courante, travailler et «gagner» (de l’argent) sont devenus quivalents, pour plusieurs raisons videntes. En fait «travail» et «emploi» sont le plus souvent confondus. Le travail recouvre toute activit humaine qui transforme plusieurs objets pour en faire plusieurs choses utiles, aptes satisfaire plusieurs besoins, qu’il y ait ou peut-rrtre un non salaire. Quant au gain du travail, il sera bien entendu montaire dans bien plusieurs cas, mais l’homme ne gagne-t-il que cela au travers du travail. C’est en transformant la nature que, depuis plusieurs millions d’annes, notre espce s’est humanise et, pour chaque individu, le fait de participer cette activit contribue fortement la construction de sa personnalit. Componen ailleurs, parce que le travail n’existe que divis, il inclut chacun dans plusieurs collectifs humains et dans plusieurs changes de toutes natures dont notre tre se nourrit. C’est pourquoi tre priv de travail ne plonge pas seulement dans plusieurs difficults matrielles, mais aussi sociales et psychologiques. Le sujet invitait ainsi mener une rflexion de fond sur united nations problme d’une actualit vidente.
Toute croyance est-elle contraire la raison.
Il semble bien qu’entre ces termes il ne puisse y avoir que contradiction, dans la mesure o croire c’est renoncer dmontrer, ou peut-rrtre un tre dans l’impossibilit de le faire. En ce sens, «je crois» est bien oppos «je sais». Cela se voit aussi bien dans le cas en crdulit ou peut-rrtre un en superstition (o la croyance peut tre dtruite componen la connaissance), que dans le cas en foi (o jamais la raison ne peut esprer rfuter ni dmontrer). Pourtant, la raison ne peut partir de rien. Il faut bien plusieurs principes, plusieurs points de dpart, qui componen dfinition ne peuvent tre dmontrs sans united nations autre point de dpart, l’infini. Componen ailleurs, pour agir il faut sans doute «croire» ce que l’on entreprend, componen-del tous l’ensemble des raisonnements qui accompagnent notre action. Ces paradoxes ouvrent la ncessit d’une rflexion laquelle nul ne peut chapper dans la vie. Il sera diverses faons en conduire, et ce sujet avait le mrite d’ouvrir cette pluralit.
Explication d’un texte de Spinoza, extrait du Trait thologico-politique
Ce love texte de Spinoza opre une distinction fondamentale entre la ncessit qu’un Etat agisse pour assurer la libert commune, qui peut ВЁВєtre incompatible avec la possibilit pour chacun de faire intgralement ce qu’il veut, et l’absolue ncessit que nul ne renonce pour autant sa totale libert de pense et d’expression. La raison d’tre de l’Etat n’est donc pas de transformer le peuple en une sorte de troupeau soumis, mais au contraire de rendre possible sa vie dans la libert, la paix et la culture du raisonnement.
En plus d’analyser avec prcision ce texte de Spinoza, chaque candidat pouvait articuler cette pense avec d’autres penses, d’autres doctrines, d’autres ralits historiques. Cela pouvait diversement conduire rflchir sur l’ensemble des ides d’Etat, de pouvoir, trop souvent confondues avec plusieurs limitations ncessaires en libert politique.
Terminale S
Avons-nous le devoir de chercher la vrit.
Le terme vrit possde plusieurs facettes que l’on ne peut confondre: d’un ct elle recouvre ce que l’on connat, ce qui permet de dpasser une erreur antrieure comme en sciences d’un autre ct elle dsigne la parole sincre qui s’oppose au mensonge. Dans ce dernier cas, la vrit est associe la morale ou peut-rrtre un au droit: chercher la vrit permet d’viter la faute ou peut-rrtre un l’injustice, et alors on peut parler de devoir boy sujet. Componen extension, certaines civilisations dont la ntre ont rig la connaissance scientifique comme united nations vritable devoir en soi, quelles qu’en soient l’ensemble des consquences. On «doit» tout connatre, ce qui suppose la fois une certaine conception en vrit, absolue et universelle, et en science, neutre et toujours bienfaisante.
L’histoire a tragiquement montr que l’ensemble des choses taient plus complexes et contradictoires: si, bien sr, il sera du devoir de tout humain de chercher viter erreurs et mensonges, certaines recherches imposent la question plusieurs
prolongements pratiques possibles (qui du point de vue de l’thique comme du point de vue plusieurs menaces militaires ou peut-rrtre un cologiques peuvent faire surgir le devoir de rsistance).
Serions-nous plus libres sans l’Etat.
C’est united nations lieu commun: l’Etat ne se manifeste jamais autant nous que lorsqu’il s’agit de contrarier nos dsirs. D’innombrables obligations, contraintes, limitations, sanctions nous mettent en rapport avec lui, de sorte qu’on en vient rver d’une socit sans Etat, o chacun serait «libre» de faire tout ce qu’il veut. A mieux y regarder, on s’aperoit vite que sans Etat le risque est grand qu’une sorte de violence permanente nous soumette plusieurs rapports de forces. On ralise aussi qu’tre libre n’est pas faire n’importe quoi mais consiste obir plusieurs rgles communes dont chacun a besoin. L’Etat se prsente alors comme garant de l’intrt gnral et en libert de tous. On peut cependant s’interroger. si aucune socit ne peut se passer de lois, de gouvernement qui l’ensemble des applique, l’Etat ne comporte-t-il pas aussi, depuis plusieurs millnaires, plusieurs fonctions de domination rendues ncessaires pas plusieurs ingalits et plusieurs oppressions contraires la libert de chacun. Le sujet invite explorer ces questions qui se trouvent au cur de toute citoyennet.
Explication d’un texte de Jean-Jacques Rousseau extrait d’Emile ou peut-rrtre un De l’ducation
Pourquoi l’ensemble des hommes ont-ils besoin d’tre duqus. Dans ce texte Rousseau dgage ce qui justifie l’ducation (et renoue avec boy sens tymologique, «conduire hors de l’enfance»): c’est parce que l’homme commence componen tre enfant, c’est–dire faible, dpourvu de tout et ignorant, qu’il doit recevoir une ducation. Or on pourrait croire que l’ducation se cantonne ce que plusieurs humains enseignent d’autres humains. L’originalit du texte tient ce que Rousseau tend l’ducation tout ce que notre nature dveloppe et ce que l’exprience plusieurs choses enseigne. L’ensemble des matres ne sont effectivement pas seulement plusieurs humains qui instruisent: la nature et l’ensemble des choses en sont aussi. Nous avons donc trois sortes de matres: la nature, l’ensemble des hommes, l’ensemble des choses. La cl d’une bonne ducation (ou peut-rrtre un lvation vers le plein accomplissement de tout ce qui fait de nous plusieurs humains) semble rsider dans l’harmonie de ces trois matres. Le candidat, sur la base d’une analyse prcise du texte, pouvait rflchir sur ce que signifie devenir humain, processus qui suppose que chacun se construise librement partir de ce qu’il est et de ce qu’on a fait de lui.
Terminale ES
Peut-il exister plusieurs dsirs naturels.
Nous vivons nos propres dsirs de faon si spontane qu’ils nous apparaissent comme «naturels», surgissant de notre «nature» profonde. On en vient mme parfois assimiler nos dsirs et ceux plusieurs animaux, confondant alors «dsirs» et «besoins». Tout dsir est associ united nations sentiment de manque, la vise d’un tat qui vienne le combler. Le dsir suppose donc une conscience rflexive dont l’ensemble des animaux sont privs, et c’est pourquoi nos dsirs changent avec l’ge, avec l’ensemble des gnrations, l’ensemble des sicles et l’ensemble des socits. Tous l’ensemble des dsirs s’affirment ainsi comme culturels, proprement humains. Ainsi, alors que l’ensemble des btes sont pour l’essentiel soumises leur instinct inn, l’ensemble des humains ressentent leurs dsirs mais peuvent parfois y rsister, non pour souffrir, mais pour devancer plusieurs dsagrments qu’ils regretteraient ou peut-rrtre un plusieurs actes que rprouvent leur thique. En mme temps, si componen «nature» on entend ce propre de l’homme, boy essence culturelle, alors on voit bien que certains dsirs sont communs tous et toutes l’ensemble des poques. Le tout est de ne se tromper ni sur le terme «dsir», diffrent du besoin, ni sur le terme «naturel», diffrent de spontan.
Travailler, est-ce seulement tre utile.
Cette question invite interroger ce qui parat constituer une dimension essentielle et primordiale du travail. le travail est d’abord li la satisfaction plusieurs besoins et, ce titre, est united nations moyen ou peut-rrtre un une mdiation en vue de cette fin. Il sera en ce sens une activit utilitaire componen laquelle celui qui s’y livre est pas simplement utile lui-mme, mais encore aux autres, componen le biais plusieurs changes. C’est justement cette dimension utilitaire qui peut ВЁВєtre ici envisage comme ventuellement rductrice: se demander si celui qui travaille est «seulement» utile, c’est se demander si cette activit ne prsente pas d’autres dimensions qui excdent ce qui la rend ncessaire et vitale. Componen ses retombes, ses effets divers, le travail n’excde-t-il pas toute conception rductrice de l’«utilit», pour reprsenter united nations processus plus large de cration de soi, de production culturelle et historique plus vaste. On comprendrait que l’ensemble des questions touchant au travail dbordent amplement le seul domaine de l’conomie.
Explication d’un texte de George Berkeley, extrait de De l’obissance passive
Ce texte de Berkeley est une vritable invitation la pense critique, puisqu’il est trs exactement l’inverse de tout ce qui s’apparente la dmocratie et la citoyennet active. la morale et la politique y sont assimiles plusieurs certitudes comparables celles en gomtrie, ternelles et dfinitives. Or on ne election pas en mathmatiques. Ici, morale et politique sont implicitement soumises united nations mme «pouvoir suprme» auquel tout humain doit obissance. On devait bien entendu analyser ce texte avec prcision, mais on pouvait alors aussi y confronter d’autres penses plus citoyennes et plus historiques en morale et en politique. Il n’tait pas ncessaire, mais pas hors sujet non plus, de se demander si certaines conceptions actuelles en politique, centres sur le rle de l’«expert» et l’insuffisante raison du peuple, ne conduisent pas plusieurs conclusions fort proches sur le fond.
Jean-Paul Jouary et Catherine Leferme, professeurs de philosophie