Orphée est le père des poètes. II est le protégé du dieu Apollon et de ses neuf Muses, incarnations mythologiques de l’inspiration.

Le poète messager
Dans l’Antiquité et à la Renaissance, le poète se définit comme un intermédiaire entre la sphère céleste et l’humanité. Tel un héros d’épopée, il est en contact avec les puissances supérieures, appelées démons chez Pierre de Ronsard et les autres poètes du XVIe siècle. Il est donc assimilé à un prophète, voire à un démiurge, c’est-à-dire un être apte à commander aux forces de la nature, tel Orphée ou l’humble saint François d’Assise communiquant avec les oiseaux.

Le don de poésie
La faculté de composer des poèmes est un don fréquemment mis en scène dans les textes, ou dans l’iconographie. À l’époque classique, on trouve par exemple chez Nicolas Poussin, un tableau intitulé L’inspiration du poète (1629-1630). Aux côtés d’Apollon, les yeux tournés vers le ciel, l’auteur attend de recevoir les mots divins qu’il redistribuera aux hommes.

L’inspiration, entre nature et références antiques

La vie comme source d’inspiration
Dès la fin du XVIe siècle, le poète s’émancipe des références religieuses. Il ne se considère plus forcément comme marqué par le doigt de Dieu, mais accorde aux aléas de l’existence le pouvoir de le faire écrire. Saint­-Amant se présente ainsi comme un auteur indifférent aux malheurs du monde, telles les guerres, pour se concentrer sur le seul confort de son lit.
Quant au théoricien du classicisme, Nicolas Boileau, il accorde plus d’importance au travail d’écriture poétique, attentif et acharné, qu’à l’inspiration idéale ou au génie. Se développe alors la notion classique de talent qui deviendra essentielle à l’époque moderne.

Un retour à l’inspiration antique
Dès 1830, les poètes reviennent à une inspiration plus noble, en contact avec les hautes sphères de l’intellect et de la religion. dans le recueil des Contemplations (1856), Victor Hugo reprend la définition ancienne du poète-prophète, du mage. Mais son statut a changé. le nez dans l’herbe, le poète contemple la nature la plus humble qui soit. Certes, c’est un simple oiseau qui a la capacité de lui révéler le sens du monde, mais une attitude clairvoyante lui rappelle que l’homme est aveugle et méchant. Le poète est désormais un déchiffreur qui tente de comprendre les signes du monde, tel Charles Baudelaire dans « Correspondances », qui circule dans le temple de la nature pour y débusquer attentivement les symboles. Arthur Rimbaud, quant à lui, s’inspire des beautés du monde en retrouvant les couleurs qu’évoquent les simples voyelles. Il ouvre la voie à une conception moderne de l’écriture poétique qui influera sur l’ensemble des arts (peinture, cinéma. ).

Le quotidien, nouvelle source d’inspiration.

Le poète ironique
Dès les années 1870, revenu de la croyance en une inspiration supérieure, le poète issu de la révolution industrielle s’émancipe d’Apollon. Le monde moderne est un réservoir d’images qui lui permettent de faire entrer le télégraphe, a priori incongru en poésie, dans un sonnet, comme Tristan Corbière dans le recueil Les Amours jaunes (1873).
Après la Seconde Guerre mondiale, encore plus distant des modèles anciens, Raymond Queneau les tourne en dérision ; il bat la campagne pour y trouver les porcs et les biques destinés à alimenter son inspiration burlesque.

Alain Bosquet va jusqu’à faire du poète lui-même un meuble bien utile pour apporter un rayon de soleil dans son appartement.

Le poète contemporain
De nombreux auteurs rendent aujourd’hui à la poésie son pouvoir d’évocation et d’émotion. Attentif aux miracles de la vie quotidienne, Yves Bonnefoy débarrasse les mots de leur enveloppe de culture et de désenchantement pour nous faire percevoir la présence rassurante et magique du monde qui nous environne. La chanson, surtout en France, connaît également un renouveau fondé presque exclusivement sur les références à la vie quotidienne, vivier d’images audacieuses.