§2. La formation d’une bonne conviction
2.1. Le principe de l’intime conviction
Tous les moyens de preuve ci-dessus décrits ont, en droit, une force probante égale. La règle adoptée par le droit est en effet celle d’après laquelle le juge statue selon son intime conviction. Cette règle est exposée en termes particulièrement heureux.
Le pacte international relatif aux droits civils et politiques veut que toute personne ait droit en ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi.
Pour répondre à cette exigence, le juge doit, lors de la reconstitution ou l’établissement des faits ou lors de la production des actes doit s’appliquer non seulement physiquement en déterminant le contour exact ainsi que des raisons plausibles et les circonstances possibles de leur existence ou l’inexistence.
2.2. Les faits et la conviction
En droit, ce qui doit être prouvé ce sont les faits matériels ou juridiques qui servent de base à la présentation dont on veut établir le fondement. le droit ne se prouve pas par les parties au procès lesquelles se contentent de prouver l’existence d’un fait matériel ou juridique et d’évoquer le droit. C’est au juge qu’il appartient de déduire les conséquences juridiques de la loi ou l’usage attaché aux faits qui sont prouvés ; c’est l’oeuvre du juge d’appliquer la règle de droit .
En effet, la preuve ne peut être rapportée sur n’importe quoi ni toujours dans n’importe quelle forme, car, par respect des principes de la neutralité du juge et de la légalité des preuves, le juge ne peut statuer que sur ce qui est demandé par les parties et ne prend sa décision que si les moyens de preuve utilisés sont conformes aux règles fixées par la loi. Tandis qu’en procédure pénale où le système de preuve est libre. les moyens de preuve utilisés doivent être non interdits par la loi. Tel est par exemple, le cas des ordalies et les pratiques divinatoires qui ne sont pas considérées au Congo étant de nature à contribuer à la manifestation de la vérité 29 (* ).
La règle de l’intime conviction s’applique à tous les éléments constitutifs de l’infraction, éléments matériels ou éléments psychologiques. Elle s’applique également à l’existence des circonstances aggravantes.
Le principe de l’intime conviction a fait l’objet de diverses critiques et certains auteurs voudraient lui substituer le principe de la preuve scientifique . Faire appel à toutes les techniques contemporaines éprouvées pour faciliter l’imputabilité d’une infraction à son auteur présumé, est, à l’évidence, indispensable.
Croire que de l’exploitation des indices par le laboratoire de police scientifique puisse toujours procéder une preuve irréfutable de cette imputabilité, c’est adopter une attitude non pas scientifique mais scientiste 30 (* ) .
A la question de savoir jusqu’où doit-on apporter la preuve, la procédure pénale répond par le principe de l’intime conviction du juge. Il n’y a ni reine des preuves ni preuve absolue, les magistrats se déterminent en fonction de l’effet qu’a produit, sur leur intime conviction la balance des preuves.
2.3. Le double rôle du principe de l’intime conviction.
C’est d’une part un principe d’appréciation des preuves. En effet, les juges sont libres de tenir compte ou non des éléments de preuve qui leur sont soumis. Ils peuvent condamner quelqu’un qui nie avoir participé aux faits qu’on lui reproche. Ils peuvent relaxer ou acquitter quelqu’un qui a avoué avoir commis l’infraction si cet aveu leur paraît suspect.
Ils sont libres d’accorder ou non du crédit aux différents témoignages. Bien entendu ils tiennent compte des rapports d’expertises dans la mesure où ils le veulent. Naturellement ils sont enfin, libres de combiner entre elles les différentes preuves produites pour confronter par l’une les insuffisances de l’autre ou inversement. Ils n’ont pas à s’expliquer sur les preuves qu’ils ont retenues.
D’autre part, c’est un principe de décision. Les juges doivent prendre une décision en vertu de leur conviction. Ils doivent s’interroger dans le silence et le recueillement et chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense.
Il faudra également savoir que des garanties de forme sont prises pour éviter de permettre l’expression d’une fantaisie de mauvais aloi. La première tient à la nécessité minimale d’affirmer qu’on est convaincu en ne se contentant pas de reconnaître qu’il y a une présomption sérieuse qui ne saurait suffire à ce stade de la procédure. La seconde relève de l’obligation de motiver les jugements qu’elles soient de condamnation ou de relaxe. Une motivation qui ne serait faite que de l’expression de l’intime conviction est naturellement, insuffisante.
Le respect de ces mesures limitant le pouvoir du juge dans l’appréciation des preuves et d’une manière générales, de toutes celles qui garantissent les droits de la défense, est assuré par la cour de cassation qui a le pouvoir d’annuler toute décision reposant sur une procédure poursuivie en violation de la loi ou omettant les formalités substantielles.
* 29 NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit pénal général Zaïrois. Kin, DES, 1989, p. 378.
* 30 G. LEVASSEUR, A. CHAVANNE, J. MONTREUIL et B. BOULOC, op.cit. ; p. 159.