LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE EN MATIERE FISCALE
Le régime des sources du droit fiscal est dominé sur le plan théorique par le principe de légalité fiscale l’obligation fiscale ne peut trouver sa source que dans la loi (article 34 de la Constitution), qui doit en définir directement ou indirectement tous les éléments.
Mais paradoxalement, le droit fiscal français se caractérise également par la portée légalement reconnue à des actes ou décisions de l’administration qui, par application des principes généraux du droit, devraient normalement être dépourvues de toute incidence juridique directe.
C’est le cas, par exemple, de la doctrine administrative qui s’entend comme « l’ensemble des interprétations des textes fiscaux formulées par une autorité fiscale central en direction de l’administration fiscale déconcentrée en vue, principalement, d’assurer une application uniforme de ces textes sur le territoire national ». Cette dernière est, le plus souvent, contenue dans des instructions publiées au Bulletin officiel des impôts.
Ce paradoxe (absence de toute incidence juridique directe) est lié à la consécration légale de deux séries de mécanismes hautement dérogatoire qui tendent à renforcer la sécurité juridique des contribuables et protéger les attentes légitimes que l’administration fiscale a pu faire naitre dans leur chef.
L’apparition de la doctrine administrative soulève ainsi deux problèmes majeurs.
– peut-on d’une part annuler un document qui n’est pas conforme à la loi.
– comment traite-t-on la situation du contribuable qui applique une doctrine administrative illégale. (question de l’opposabilité de la doctrine).
Le législateur a tout d’abord consacré, à l’article L80A du LPF, le principe de l’opposabilité de la doctrine fiscale pour le contribuable (section 1), il a précisé ce principe dans des situations de faits grâce à l’article L80B du LPF (section 2).
Section 1 L’opposabilité de la doctrine administrative
C’est une question très délicate et surtout difficile à comprendre. Prenons une situation type. Supposons M. Mitchell (mon chanteur préféré, même si c’est un peu ringard je l’avoue. ), contribuable qui s’est en tout point conformé à une instruction de l’administration fiscale.
M. Mitchell fait l’objet d’un contrôle de l’administration fiscale. L’administration le redresse estimant que sa situation n’est pas conforme à la loi fiscale (différente de l’instruction fiscale)
M. Mitchell peut-il se prévaloir de l’instruction.
Le fait que la loi fiscale est d’ordre public fait que, en principe, l’administration fiscale n’est tenue de n’appliquer que la loi. Elle n’est pas tenue par les instructions qu’elle a elle-même édictées.
Le résultat est que M. Mitchell va se voir redressé car il a cru en la légalité de la doctrine fiscale.
Pour éviter les mésaventures de M. Mitchell, le législateur a adopté en 1959 une disposition spéciale prévue à l’article L 80 a du code des procédures fiscales).
Cette disposition institue l’opposabilité de la doctrine administrative à l’administration fiscale. « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’imposition antérieure si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal, et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
» il y a un deuxième alinéa « lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapporté à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différentes ».
a) les caractéristiques générales de la garantie
La garantie ne s’applique que pour les instructions fiscales qui concernent l’assiette, le taux des impositions de toutes natures. Cette garantie ne joue pas, par exemple, pour la procédure fiscale.
Cette garantie ne joue qu’au profit du contribuable. Seul le contribuable peut l’invoquer, jamais l’administration
De plus, et soulignons le, l’opposabilité joue même si la doctrine est illégale. On ne recherche pas la conformité de la doctrine à la loi fiscale. Si la doctrine est en vigueur, le contribuable peut l’invoquer, même si elle est illégale.
b) le contenu de la doctrine
N’importe quel texte ne peut constituer de la doctrine.
Il s’agit essentiellement des circulaires et instructions publiées au bulletin officiel des impôts, des réponses ministérielles, mais aussi une lettre adressée à un contribuable, ou encore une information contenue dans une lettre.
Il faut aussi s’intéresser au mode d’expression de la doctrine.
En effet, il faut que la doctrine invocable contienne une interprétation formelle, une prise de position sur une situation fiscale (document 2, absence d’interprétation formelle du ministre). Si en revanche, l’administration fait une simple recommandation, il ne s’agit pas de doctrine. Évidemment le silence de l’administration ne constitue jamais de la doctrine.
Enfin, il faut prendre en compte l’auteur de la doctrine.
Ce ne peut être que des fonctionnaires de l’administration des impôts ou le ministre de finance ou du budget